La situation politique coréenne (1945-1948)

Anticipant sa probable défaite, l’occupant japonais a favorisé l’émergence d’une élite locale destinée à assurer la transition politique, et éventuellement à garantir une certaine pérennité des intérêts nippons dans la péninsule. C’est dans ce contexte que le Comité pour la préparation de l’indépendance de la Corée (CPIC) voit le jour avec à sa tête le leader nationaliste de gauche Yuh Woon-hyung (1886-1947). Depuis 1944, des comités populaires se sont constitués un peu partout dans la péninsule, revendiquant la création d’un état indépendant et la fin des inégalités sociales qui frappent la paysannerie et la classe ouvrière. Ce mouvement, dont les communistes sont partie prenante, heurte les franges conservatrices qui s’en méfient.

A l’instar d’autres pays libérés, les communistes bénéficient d’une certaine aura parmi la population pour leur rôle dans la résistance contre les forces de l’Axe. Toutefois le mouvement communiste coréen est morcelé en plusieurs groupes, fruits d’une histoire tourmentée. S’y côtoient :

  • la faction locale représentant les militants qui constituèrent en 1925 le parti communiste de Corée, dissous en 1928 par le Komintern mais qui continua néanmoins de fonctionner clandestinement ;
  • la faction panrusse, peu nombreuse et constituée de Coréens installés en Russie au lendemain de la révolution de 1917 ;
  • la faction « chinoise », composée de militants ayant rejoint les communistes chinois dès les années 30 et qui participèrent à la guerre sino-japonaise puis à la guerre civile au sein de l’Armée populaire de libération ;
  • la faction « guérilla » regroupe les mouvements de lutte antijaponais du nord. Kim Il Sung (1912-1994) rejoint ses rangs dès 1932, où son action en fait un homme à abattre pour les Japonais.

Le 6 septembre 1945 à Seoul, le CPIC proclame la République populaire de Corée, mais faute de reconnaissance par les autorités américaines, cette république disparaît aussitôt. Le gouvernement provisoire de Kim Gu, autre figure du mouvement indépendantiste coréen et installé depuis 1940 auprès des nationalistes chinois à Chongqing, disparaît également. En zone américaine, les Coréens devront suivre la feuille de route voulue par Washington. Le gouverneur militaire qui gère les affaires coréennes, le général Hodge, témoigne d’une piètre estime de la population locale. Pire, il maintient à leurs postes plus de 100 000 fonctionnaires, policiers et instituteurs japonais, comptant sur leur connaissance de ce nouveau territoire, et attisant encore plus le ressentiment de la population coréenne.

Dans un contexte de guerre froide naissant, les autorités de tutelle placent leurs pions et mettent leurs hommes en place de chaque côté du 38e parallèle.

Au Sud, face à l’influence grandissante des communistes, les Etats-Unis jouent la carte des conservateurs, dont l’anticommunisme ne le cède en rien à leur nationalisme. Syngman Rhee (1876-1965), autre figure indépendantiste et qui a vécu aux USA, devient rapidement l’homme lige de Washington. Il instaure une administration de plus en plus autoritaire, et fort de l’appui des grands propriétaires terriens, refuse toute réforme agraire pourtant tant attendue. Les comités d’épuration sont reportés. Les syndicats et les journaux de gauche sont progressivement interdits durant l’année 1946. Une assemblée législative provisoire est élue la même année, mais sa représentativité est à relativiser puisqu’une moitié des députés est désignée par les autorités américaines et l’autre élue par un corps électoral fort réduit. La contestation est forte, les mouvements sociaux réprimés. En mai 1947, un gouvernement provisoire est institué avec l’aval des Américains.

Au Nord, les Soviétiques laissent plus de latitude aux Coréens pour gérer leurs affaires via les comités populaires. De retour en Corée dès août 1945 et soutenu par Staline, Kim Il Sung émerge rapidement à la tête du mouvement communiste local. En février 1946, il prend la tête d’un Comité populaire provisoire, premier gouvernement purement coréen. L’épuration est menée énergiquement, les collaborateurs éliminés. En mars, la réforme agraire est lancée, les terres des collaborateurs et de certains propriétaires sont redistribuées, renforçant la popularité des communistes. L’industrie est nationalisée. En août 1946, le Parti des travailleurs de Corée du nord est créé de la fusion du Parti communiste de Corée et du Nouveau parti populaire de Corée (créé début 1946). Parallèlement un embryon d’armée et une police sont institués. Un état socialiste prend forme avec Pyongyang comme capitale.