« L'Itinéraire de Lutèce au Mont Valérien »

La seconde parodie que nous vous présentons s’intitule L’Itinéraire de Lutèce au Mont Valérien, en suivant le fleuve Séquanien et revenant par le mont des Martyrs, ouvrage tiré de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem qui parut en 1812.

Au sein de la version parodiée, l’auteur met en scène un Monsieur de Maisonterne qui voyage à travers Paris et sa banlieue. C’est sans doute la curieuse gravure du frontispice qui nous en dit le plus sur l’ambition de l’ouvrage. On y voit la scène suivante L’Âne de Maisonterne découvrant le Tombeau de Cucuphin. « Cucuphin » est un nom connu depuis le dernier tiers du XVIIIe siècle. C’est en 1767 que Voltaire fit paraître « La canonisation de saint Cucufin, frère d'Ascoli, par le pape Clément XIII, et son apparition au sieur Aveline, bourgeois de Troyes, mise en lumière par le sieur Aveline lui-même. »

Derrière ce très long titre, les lecteurs de l’Ancien Régime découvrirent un pamphlet abondant en saillies, quolibets et anecdotes comiques. Voltaire entendait y critiquer le nombre trop important de jours fériés liés aux fêtes religieuses. Il y parle de « Saint Cucufin », un nom imaginaire qui fait référence à saint Séraphin, canonisée en 1767 par Clément XIII. Ce pamphlet grinçant de Voltaire était typique d’un XVIIIe siècle qu’on a pu qualifier de mondain et frivole. Voltaire aimait à rire et à moquer. Après la Révolution, les auteurs comme Chateaubriand mettent l’accent sur la gravité voire le malheur : à la superficialité du rire, on oppose l’universalité de la douleur. En écrivant le Génie du christianisme, Chateaubriand avait cherché à réhabiliter la religion qu’on moquait durant le siècle dernier. La première phrase de son ouvrage part de ce constat « Depuis que le christianisme a paru sur la terre, trois espèces d’ennemis l’ont constamment attaqué : les hérésiarques, les sophistes, et ces hommes, en apparence frivoles, qui détruisent tout en riant. » Pour Chateaubriand, Voltaire était de ceux qui détruisaient tout en riant. Mais celui-ci comptait encore de nombreux admirateurs au XVIIIe siècle.

C’est donc en référence à son pamphlet mettant en scène Cucuphin que les parodistes étrillèrent le projet de Chateaubriand : puisqu’il entendait réhabiliter le christianisme en s’élevant contre les rieurs du XVIIIe siècle, on le représenta en un austère moine franciscain se couvrant de ridicule en croyant découvrir la tombe d’un saint imaginaire. La parodie révèle ainsi toute la richesse de son histoire : non seulement elle moque les ouvrages mais n’hésite pas à s’approprier les satires.