Le Chiapas

                                                                                                   

Le Chiapas est l’état le plus méridional du Mexique, partageant sa frontière avec le Guatemala. Le paysage se compose principalement de montagnes et de denses forêts tropicales.

En 2020 l'état compte 5,5 millions d’habitants (3,2 en 1993). Les indigènes chiapanèques représentent environ 13,5% de la population indienne du Mexique. Douze peuples y sont officiellement recensés : Mayas (Tseltal, Tzotzil, Chole, Tojol-ab’al), Zoques, Chuj, Kanjobal, Mam, Jakalteco, Mocho, Calchiquel, Lacandons-Maya. A noter que 29,3 % de locuteurs d'une langue indigène ne parlent pas l'espagnol.

Le Chiapas est un des états les plus pauvres et les plus marqués par le sous-développement. Peu avant le soulèvement de 1994, plus de 80% de la population vit en deçà du salaire moyen. L’analphabétisme dépasse les 30% chez les plus de 15 ans. La dénutrition et un fort taux de mortalité infantile et infectieuse témoignent d’un manque flagrant de conditions de vie décentes, 42,5% des logements n’ont ni sanitaires ni système de drainage et 35% sont sans électricité.

A la différence des autres états du Mexique, le Chiapas ne profite que tardivement des acquis de la révolution mexicaine, le principal étant la réforme agraire. Jusque dans les années 1960 la terre reste aux mains de grands propriétaires qui emploient une abondante main d’œuvre indienne dans des conditions souvent proches du féodalisme. A cette date, une mutation s’opère dans l’agriculture, avec le développement de l’élevage extensif qui demande toujours plus d’espace avec pour conséquence l’augmentation du nombre de paysans sans terre. Les pouvoirs locaux et fédéraux encouragent la colonisation de certaines portions de la jungle, facilitent l’exploitation de bois rares par des sociétés forestières. Cette politique se caractérise par la dépossession et la redistribution, dans un contexte de clientélisme politique, au détriment des ejidos (terres laissées en usufruit à de petits paysans). Les conflits agraires augmentent, accompagnés de revendications en matière de commerce, d’éducation et de santé. Des organisations paysannes indépendantes sont créées dans les années 1970-80 pour porter ces revendications, soutenues par des militants d’extrême gauche, par le clergé catholique progressiste et les églises protestantes. Les oligarchies locales répondent à ces organisations par un climat d’intimidation et de violence larvée.

Si la part des terres collectives augmente pour atteindre les 50 % au Chiapas au moment du soulèvement de 1994, les tensions sociales perdurent. Plusieurs facteurs l’expliquent : les échecs de certaines revendications des organisations paysannes et la corruption de leurs dirigeants ; la politique réactionnaire et répressive des gouverneurs successifs ; des facteurs économiques comme la crise de l’élevage, la baisse des prix du café, l’interdiction de l’exploitation du bois dans certaines régions et les politiques néo-libérales à l’échelle du pays. Surtout l’adoption d’un amendement de l’article 27 de la Constitution en 1992 permet la vente des terres communales et ouvre le marché de la terre aux acteurs économiques, signifiant la fin de la réforme agraire.

Une convergence prend forme progressivement entre militants politiques et tenants de la théologie de la libération tant pour une émancipation des peuples indiens que pour le règlement des conflits agraires, avec l’acceptation qu’il n’existe pas de contradiction entre la parole de Dieu et la voie des armes. La possibilité de la lutte armée devient une option envisageable en plus des moyens légaux.