Des FLN à l'EZLN

En 1969, en pleine vague révolutionnaire latino-américaine, naissent à Monterrey les Forces de libération nationale (FLN), un mouvement d’inspiration marxiste-léniniste dont l’objectif est l’instauration du socialisme. Les FLN s’implantent dans les états de Veracruz, Puebla, Tabasco, Nuevo Leone et du Chiapas. Malgré la destruction de sa capacité militaire en 1974, l’organisation se maintient et ses militants poursuivent leur travail auprès des populations locales. En 1978, des réseaux formels et informels sont établis au Chiapas, particulièrement dans le Nord marqué par une cohésion multi-ethnique, politique et religieuse et de fortes organisations paysannes. Ce sont des militants des FLN qui vont créer une nouvelle organisation, quelques années plus tard.

Le 17 novembre 1983, sur la montagne Chuncerro près de la lagune de Miramar, cinq hommes et une femme fondent l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN). Ce noyau est constitué de « Germán » et « Elisa », deux responsables nationaux des FLN, de « Rodolfo » un militant chevronné, et de « Javier », « Jorge » et « Frank », trois militants indiens. Leur premier camp est dénommé La Tique. Les communautés Tzotzil et Chole voisines sont les premières à côtoyer les guérilleros. Entre 1983 et 1985 le groupe fait le dur apprentissage de la vie en forêt et construit patiemment ses liens avec les communautés indiennes. La présence de militants indiens dans le noyau originel et les contacts avec les éléments locaux politisés facilitent le recrutement dans la population indigène. L’EZLN parvient à se faire accepter auprès des communautés indigènes en offrant son aide pour lutter contre la violence de l’oligarchie locale, dans un souci d’auto-défense. Au cours de leurs luttes pour défendre leurs terres et leur identité, les peuples autochtones ont acquis du pouvoir, se sont politisés et ont exigé un nouveau type de relation avec l’État qui n’impliquait ni soumission ni cooptation. Face à l’indifférence et à la répression du gouvernement, ils ont adopté une position de plus en plus radicale et en sont venus à considérer l’EZLN comme un instrument qui leur permettrait d’être vus et entendus, et de faire pencher le rapport forces en leur faveur. Ainsi se met en place une forme de réciprocité : les paysans profitent des enseignements politico-militaires des militants de l'EZLN pour apprendre à défendre leurs droits avec les armes, tandis que les guérilleros font des communautés les bases d'appui nécessaire à leur stratégie révolutionnaire basée sur la guerre populaire prolongée. La politisation des indigènes est variable, certains intériorisent les questions idéologiques et les objectifs de l’EZLN, tandis que d’autres agissent de manière instrumentale et pragmatique, conformément aux objectifs locaux.

Les zapatistes évoquent cette période 1986-1993 comme celle d’un processus de transformation de l’EZLN d’armée d’avant-garde en armée des communautés, le caractère exogène des premiers mois a totalement disparu. La fondation de l’EZLN est le fruit de la ténacité de militants révolutionnaires et de la perception de l’épuisement de la lutte légale par des communautés indigènes marqués par des années de mobilisation et de violence politique. Quelques 1 300 combattants sont recensés en 1989.

En 1993, la décision du soulèvement armé est prise après des discussions parfois difficiles entre les cadres de l’EZLN et ceux des FLN, mais aussi avec les communautés. Ce choix entérine l’indépendance des zapatistes à l’égard de l’organisation des FLN. Parmi les communautés, cette décision ne rencontre pas l’approbation générale, comme en atteste le départ de milliers d’indigènes par peur des conséquences des combats à venir.

La date retenue pour le déclenchement est symbolique, ce sera le jour de l'entrée en vigueur du traité de libre-échange entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada, soit le 1er janvier 1994.