Otro mundo es possible

                                                              

L’autonomie zapatiste, sous la protection de l’EZLN, s’organise en trois niveaux : la communauté (villages, hameaux), la commune (comparable à un canton), la zone (regroupements de plusieurs communes). Chaque niveau a ses propres assemblées et ses propres autorités élues pour des mandats de deux ou trois ans.

En décembre 1994 on compte 38 communes autonomes (Municipios autonomos rebeldes zapatistas ou MAREZ). Les communes se sont constituées selon l’appartenance à une ethnie, des travaux communautaires, la situation géographique, les relations d’échanges. Elles sont le résultat des affinités entre les habitants, et non de découpages arbitraires venus d’en haut.

L’assemblée communautaire est l’organe décisionnaire le plus bas, selon le principe de la démocratie directe. La population s’y réunit pour y discuter des problèmes de la communauté, recherchant le consensus pour la prise de décision, selon les coutumes indiennes. Les tâches collectives y sont organisées et réparties à tour de rôle, sans professionnalisation ni rémunération.

Chaque MAREZ a son instance collégiale, le conseil municipal, formé par les représentants des communautés qui font partie de la municipalité. Chacun comprend un président, un vice-président, un secrétaire, un trésorier. Les membres des conseils autonomes sont élus pour 3 ans, révocables à tout moment et ne touchent aucune rémunération. Des commissions sont dédiées à des missions précises : justice, santé, éducation, questions agricoles, logement, terre, travail, alimentation, commerce, information, culture…

En 1994-1995 sont créés cinq Aguacalientes, des centres de rencontre politico-culturels. En 2003 ils deviennent des Caracoles, chargés de coordonner les MAREZ au niveau régional. Passés de cinq à douze entre 2003 et 2019, les caracoles sont les sièges des Conseils de bon gouvernement (Juntas de buen gobierno ou JBG), organes de coordination régionale et nouveaux lieux de rencontre des communautés zapatistes et de la société civile mexicaine et internationale. A noter que les dirigeants militaires de l’EZLN ne peuvent en faire partie, sauf à démissionner de leurs postes.

Les conseils de bon gouvernement sont une réponse à l’augmentation de la zone libérée, permettant la coordination régionale et le renforcement de l’organisation autonome (conditions de vie, production, lutte politique, échanges). Ils contribuent au maintien du lien avec les communautés. Les JBG veillent à la stricte application des lois en vigueur au sein des communes, à réduire les inégalités de développement des communautés et des communes, à superviser le bon déroulement des travaux et projets communautaires au sein des communes autonomes, à résoudre des conflits entre communautés/communes zapatistes et avec l’extérieur. Ils assurent la répartition des aides extérieures après évaluation et la répartition de l’impôt frère (10% de toute aide versée au conseil de gouvernement pour être donnée à d’autres communauté). Des accords sont conclus localement entre des communautés zapatistes et d’autres non-zapatistes.

La prise décision fonctionne généralement comme suit : le conseil de bon gouvernement soumet les principales décisions qu'il juge nécessaires à l'assemblée de zone ; en cas de projets importants ou si aucun accord clair ne se dégage, il revient alors aux représentants de toutes les communautés de la zone de mener une consultation dans leurs villages respectifs afin de faire part à l’assemblée suivante d’un accord, d’un refus, ou d’amendements. Le cas échéant, ces derniers sont discutés et l’assemblée élabore une nouvelle proposition, qui est à nouveau soumise aux communautés. Plusieurs allers-et-retours entre conseil, assemblée de zone et villages sont parfois nécessaires avant que la proposition puisse être considérée comme adoptée. Un processus peut être lourd mais qui permet d’éviter au maximum les échecs.

Les communautés zapatistes s’organisent autour de la libre association, de la participation démocratique, de la distribution des bénéfices, de la propriété collective de la terre, des outils, des véhicules, des magasins. Mais les formes de propriétés et d’usages peuvent varier d’un caracol à l’autre. Deux types de collectif existent : un collectif individuel où la propriété des terres est collective mais son exploitation reste familiale ; un collectif total où la propriété des terres et leur culture sont collectives. Si le second renvoie à un modèle socialiste, le premier est plus proche de la pratique des terres communales mexicaines et semble être le plus pratiqué.

Les coopératives regroupent les producteurs et permettent d’améliorer la commercialisation des produits agricoles (maïs, café) en interne et vers l’extérieur. On trouve également des coopératives de tissage, de boulangerie, de commerce, d’élevage, des magasins, des pharmacies et des transports coopératifs.
Les services publics sont organisés communautairement. Le système éducatif est autonome, avec ses propres programmes et ses propres formations d’enseignants (promotores). On compte des centaines d’écoles primaires et quelques secondaires. L’éducation prodiguée s’enracine dans l’expérience concrète des communautés et la lutte pour la transformation sociale, contribuant ainsi à développer une conscience collective. Les zapatistes maintiennent un service de santé universel de qualité et gratuit, mélangeant médecine occidentale et traditionnelle. Les médicaments doivent toujours être payés pour couvrir les frais de réapprovisionnement. Une épargne communautaire en cas de besoin est mise en place, le produit des travaux collectifs sert d’assurance sociale pour la communauté qui les a réalisés.

                                                                    

D’une conception différente de son homologue fédérale, la justice zapatiste est influencée par les pratiques traditionnelles indiennes. A la punition qui n’ajouterait que de nouvelles difficultés est préférée la réconciliation négociée entre les parties grâce à des formes de réparation au bénéfice des victimes ou de leur famille, ainsi qu'à des travaux d’intérêt général.

La femme est partie intégrante du mouvement zapatiste, dont beaucoup occupent des fonctions à responsabilités (comme la sous-commandante Ramona ou la major Ana Maria). On estime qu’un tiers des effectifs de l’EZLN est constitué de femmes. Une des lois révolutionnaires de 1994 est consacrée aux femmes et proclame le droit à un travail justement rémunéré, le droit à l’éducation, la liberté de contracter un mariage, le droit à décider du nombre d’enfants, le droit à être élue démocratiquement à un poste civil ou militaire... Des collectifs de femmes interviennent dans la vie des communautés, leur prise de parole est fortement encouragée. Le féminisme zapatiste mêle racines indigènes et idéologie occidentale.
 

                                           

Après des années de fonctionnement, on relève que la productivité agricole tient la comparaison avec les communautés non zapatistes. Les productions sont diverses, même si une dépendance partielle aux circuits traditionnels de distribution est toujours présente. On note la participation de tous et de toutes aux travaux coopératifs et collectifs selon une appropriation socioculturelle facilitée par la similitude entre des pratiques communautaires préexistantes et les méthodes d’organisations zapatistes.