Une nouvelle étape

Début novembre 2023, dans un contexte de recrudescence de la violence des cartels, le sous-commandant Moisés annonce la dissolution des MAREZ, et le maintien des caracoles au seules populations locales. Un peu plus tard dans le mois, un nouveau communiqué de l’EZLN annonce une nouvelle structure d'autonomie, avec la réorganisation des MAREZ en milliers de gouvernements autonomes locaux (GAL) qui forment des collectifs de gouvernements autonomes zapatistes (CGAZ) à l'échelle de la région et des assemblées de collectifs de gouvernements autonomes zapatistes (ACGAZ) à l'échelle de la zone. En voici le fonctionnement expliqué par le sous-commandant Moisés :

[…]

Premièrement. – La base principale, qui est non seulement le support de l’autonomie, mais aussi la base sans laquelle les autres structures ne pourraient pas fonctionner, c’est le Gouvernement autonome local, le GAL. Il y a un GAL dans chaque communauté où habitent des bases d’appui zapatistes. Les GAL zapatistes sont le noyau de toute l’autonomie. Ils sont coordonnés par les agents et commissaires autonomes et sont soumis aux assemblées des villages, hameaux, communautés, lieux-dits, quartiers, ejidos, arrondissements, ou des lieux du nom que se donne chaque population. Chaque GAL contrôle ses ressources autonomes organisationnelles (comme les écoles et les cliniques) ainsi que la relation avec les pueblos frères non zapatistes voisins. Et contrôle aussi le bon usage des finances. Il détecte et dénonce également les mauvaises administrations, les corruptions et les erreurs qu’il peut y avoir. Et il est vigilant par rapport à ceux qui veulent se faire passer pour des autorités zapatistes dans le but d’obtenir des soutiens ou des aides qu’ils utilisent à leur profit.

Donc, s’il y avait auparavant quelques dizaines de MAREZ, soit de Municipalités Autonomes Rebelles Zapatistes, il y a à présent des milliers de GAL zapatistes.

Deuxièmement. – En accord avec leurs besoins, problèmes et avancées, plusieurs GAL se réunissent dans les Collectifs de Gouvernements Autonomes Zapatistes, CGAZ, qui sont les lieux où se discutent et se concluent les accords sur des questions d’intérêt pour les GAL qui les convoquent. Lorsqu’ils le décident, les collectifs de gouvernements autonomes convoquent une assemblée des autorités de chaque communauté. C’est là qu’ils proposent, discutent et approuvent ou rejettent les plans et les besoins en matière de santé, d’éducation, d’agroécologie, de justice, de commerce et d’autres domaines qui pourraient s’avérer nécessaires. Au niveau du CGAZ se trouvent les coordinateurs de chaque zone. Ce ne sont pas des autorités. Leur tâche consiste à veiller à ce que les travaux demandés par les GAL ou ceux qui sont nécessaires à la vie de la communauté soient réalisés. Comme, par exemple : des campagnes de médecine préventive et de vaccination, des campagnes contre les maladies endémiques, des cours et des formations spécialisées (comme techniciens de laboratoire, en radiographies, en échographies, en mammographies et en d’autres domaines que nous apprendrons au fur et à mesure), de l’alphabétisation aux niveaux supérieurs de l’écriture, des événements sportifs et culturels, des fêtes traditionnelles, etc. Chaque région ou CGAZ a ses responsables, qui convoquent les assemblées en cas de problème urgent ou touchant plusieurs communautés.

C’est-à-dire que, là où il y avait auparavant 12 Conseils de bon gouvernement, il y en aura à présent des centaines.

Troisièmement. – Viennent ensuite les Assemblées de Collectifs de Gouvernements Autonomes Zapatistes, ACGAZ. Elles sont ce qu’on appelait auparavant les zones. Mais elles n’ont pas d’autorité, elles dépendent des CGAZ. Et les CGAZ dépendent des GAL. L’ACGAZ convoque et préside les assemblées de zone, quand elles sont jugées nécessaires par les GAL et les CGAZ qui en font la demande. Elles ont leur siège dans les Caracoles, mais elles se déplacent entre les régions. Autrement dit, elles sont mobiles, pour répondre aux requêtes des pueblos.

Quatrièmement. – Comme on pourra le voir dans la pratique, le commandement et la coordination de l’autonomie ont été transférés des CBG et des MAREZ aux pueblos et aux communautés, aux GAL. Les zones (ACGAZ) et les régions (CGAZ) sont commandées par les pueblos, elles doivent rendre des comptes aux pueblos et chercher des moyens de répondre à leurs besoins en matière de santé, d’éducation, de justice, d’alimentation et à ceux découlant de situations d’urgence causées par les catastrophes naturelles, pandémies, crimes, invasions, guerres et autres malheurs causés par le système capitaliste.

Cinquièmement. – La structure et la configuration de l’EZLN ont été réorganisées de manière à accroître la défense et la sécurité des localités et de la terre mère en cas d’agressions, d’attaques, d’épidémies, d’invasion par des entreprises prédatrices de la nature, d’occupations militaires partielles ou totales, de catastrophes naturelles et de guerres nucléaires. Nous nous sommes préparés pour que nos pueblos survivent, même isolés les uns des autres.

Sixièmement. – Nous comprenons qu’il vous soit difficile d’assimiler ceci. Et que vous deviez batailler un certain temps pour le comprendre. Cela nous a demandé 10 ans à nous pour le penser, et sur ces 10 ans, 3 pour le préparer à la pratique.

[…]

                                                                         

Selon les déclarations du sous commandant Moisés, ces modifications sont l’aboutissement de dix ans de réflexion, de critiques et d’autocritiques, et de trois années pour préparer sa mise en pratique. Une nouvelle structure d’autonomie se met ainsi en place, pensée comme meilleure pour les communautés zapatistes. Cette nouvelle étape d'autonomie est également une réponse à la situation générale au Chiapas, marquée par des affrontements entre les cartels de Sinaloa et de Jalisco Nueva Generacion, et la présence renforcée de l’armée fédérale à la frontière guatémaltèque pour faire face à la pression toujours plus forte de migrants clandestins.